« Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine. » ▬ La vie ne tient qu'à un fil. En une fraction de seconde, absolument tout peut s'envoler à jamais… Un rien suffit. Le mauvais temps, la pluie qui frappe la chaussée devenant alors glissante, le coup de frein brusque, un mouvement de volant incontrôlé et… Fin de l'histoire. C'est de cette façon que j'ai perdu mes parents. De cette façon que j'ai perdu goût à la vie, à l'âge de 15 ans. C'est jeune, oui. Beaucoup trop jeune…
« On est plus que tout les deux maintenant, et je serai toujours la pour toi Jason. », me souffle ma petite sœur en me prenant la main. Mon regard se braque sur nos deux mains liées. Nous ne sommes plus que tous les deux, comme elle le dit… Et ce n'est pas normal ! Je n'ai que 15 ans, Leven n'en a que 14. Ça n'aurait pas dû se passer comme ça ! Qu'est-ce que je suis censé faire, hein ?! Veiller sur Leven, évidemment. Mais… Est-ce que j'en suis capable, au moins ? On se retrouve brusquement livrés à nous-même et nous ne nous étions décemment pas préparés à tout ça… La perte de nos parents. Rien que d'y penser, ça me serre le cœur. J'ai l'impression de me consumer. Je n'ai même pas la force de pleurer. Je me sens simplement vide… Vide de toute vie. J'aimerais que la douleur cesse, mais je ne sais pas comment faire pour que ça s'arrête. Je suis juste perdu et bordel… Il n'y a rien de pire comme sentiment. Je relève la tête, mon regard croisant celui de Leven. Et puis… Je ne sais pas. Un trop plein d'émotion et je m'emporte. Je n'arrive pas à me contrôler… Tout m'échappe. Ma main se retire de celle de ma sœur et je me lève, lui faisant face.
« Lâche-moi ! Puis tu n’es même pas ma sœur, alors casse toi de chez moi ! » Putain, qu'est-ce que j'ai dit, encore ? Je n'ai pas le temps de dire ouf que la main de Leven vient violemment s'abattre contre ma joue. Je suppose que c'est mérité… Quand bien même la tristesse me ronge, je n'aurais jamais dû prononcer ces mots. Depuis que je suis tout petit, Leven a toujours été ma petite sœur. Qu'elle ait été adoptée, ou pas. Je me souviens encore de ce jour, où mes parents m'ont annoncé que j'allais avoir une petite sœur. Le temps qu'ils la récupèrent, mes parents avaient confié ma garde aux voisins. Le lendemain matin, lorsque mes voisins m'ont ramené chez moi, je l'ai vu pour la première fois. Ma mère avait descendu les escaliers, un large sourire aux lèvres. Et elle était là, blottie contre sa poitrine, dans ses bras. Ma petite sœur, ma petite Leven. Ce jour est véritablement le plus beau jour de ma vie et malgré tout, aujourd'hui j'en viens à lui cracher des horreurs en pleine figure. Ma joue me brûle, j'ai l'impression d'avoir été marqué au fer rouge tant la douleur est lancinante.
« Tu n’es qu’un pauvre abruti ! Tu ne comprends pas la chance que tu as d’avoir quelqu’un à tes côtés pour t’aider. J’ai déjà vécu la même chose que toi et tu crois que ça me fait plaisir de le revivre encore une fois ? Tu es pathétique ! » Je lui lance un regard désolé, parce que je ne fais pas exprès d'être comme ça. Ses paroles ont un tel impact sur moi, que je me sens tellement con… J'aurais bien envie de disparaître de la surface de la Terre, de m'effacer. Pour ne pas avoir à souffrir de la mort de mes parents, mais aussi pour ne plus jamais faire de mal à Leven comme je viens de le faire. Le pire, c'est de constater à quel point elle a raison. Je ne devrais pas me replier sur moi-même… Aussi bien l'un comme l'autre, nous avons besoin de soutien. D'autant plus que comme Leven vient de le dire, c'est la deuxième fois qu'elle vit cela… Perdre ses parents. Pour ma part, une fois me suffit. Je me sens tellement faible, tellement anéanti. Je ne fais pas le poids face à Leven, qui reste forte. Bordel… Je dois me calmer, je dois arrêter d'être aussi pathétique. Je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit, que la petite brune continue.
« Mais vu que c’est ton choix je m’en vais, tu sais très bien ou me trouver. Je te laisse encore une chance de te racheter alors fait pas le con. » Je ferme les yeux un instant et soupire. Leven quitte ma chambre et je l'entends descendre les escaliers. En dépit de ce que je lui ai dit, elle continue de me considérer comme son frère et me donne même la possibilité de me racheter. J'ai déjà perdu beaucoup trop aujourd'hui… Je ne veux pas perdre ma petite sœur en plus. Elle est désormais ma seule famille. Nous ne sommes pas encore majeurs alors autant dire que nous avons besoin de compter l'un sur l'autre. Je me lève rapidement, dévalant les escaliers. Je la vois, prête à abaisser la poignée de la grande porte d'entrée pour sortir. J'ai juste le temps de lui attraper le bras, et d'une simple pression, je la force à me faire face.
« Reste avec moi. Je suis désolé d’être aussi idiot. » Je l'attire contre moi, la serrant de toutes mes forces.
« Après tout je ne peux pas t’en vouloir tu es mon abrutit de frère. » Nous sommes tous les deux sur le pas de la porte, tels deux enfants perdus. C'est ce que nous sommes, de toute façon… Le silence qui règne dans notre maison est pesant et je déteste ça. Je déteste sentir toute cette solitude… Je déteste savoir que nos parents ne passeront plus jamais le seuil de la porte d'entrée. Il n'y a plus que nous et nous devons nous montrer suffisamment fort pour pouvoir affronter ces deux décès. En tout cas, je comprends aussi que je pourrais toujours compter sur Leven, de la même façon qu'elle pourra compter sur moi. N'importe où, n'importe quand. Elle me trouvera toujours… Parce que la famille Valentine ne se réduit maintenant plus qu'à deux seules personnes : nous.
« Vous êtes prêts ? » Je me détache de ma petite sœur, fixant l'un de nos voisins qui est apparu dans l'encadrement de la porte. Ma petite sœur me jette un regard intrigué. Je hausse alors les épaules, incapable de dire de quoi il parle. Il le comprend d'ailleurs et s'avance vers nous.
« Vos grands-parents acceptent de s'occuper de vous. » Ceci explique donc cela. S'ensuit le moment des valises, des derniers regards et de notre départ. Dans l'allée, je m'arrête de marcher, regardant derrière moi. C'est là, que je commence à ressentir la peine. C'est comme si j'avais fait une chute de plus de trois mètres de haut, que j'étais retombé sur le dos et que tout l'air de mes poumons avait été chassé. Ça fait mal et j'ai l'impression de mourir… Littéralement. Toutes les larmes que j'avais réussi à stocker se mettent à perler le long de mes joues. J'aurais préféré mourir. Clairement… Mais non. Je dois tenir le coup. Pour Leven. Parce qu'elle a besoin de moi et je ne peux pas l'abandonner. Pas maintenant… Intérieurement, je me fais la promesse de ne jamais la laisser tomber. Et je finis par reprendre mes pas, quittant la propriété de nos parents. Je referme la petite barrière blanche, juste devant cette grande maison regorgeant de souvenirs de famille. Des souvenirs que j'emporte naturellement avec moi, me déchirant un peu le cœur au passage…
« S'imprégner d'une personne, c'est comme... Comme si tout changeait. Au moment où tu la vois, ce n'est plus du tout la force de gravité qui te maintient au sol, c'est elle. Rien d'autre n'importe, et tu ferais tout pour elle, tu pourrais être n'importe qui. » ▬ Après la perte de mes parents, j'avais beau tout mettre en œuvre pour rester fort, je ressentais constamment ce vide en moi. Même Leven n'y pouvait rien… Je n'avais envie de rien. Ni de manger, ni de m'amuser… Ni de vivre, ni de mourir. J'étais simplement là, sans l'être réellement. Les jours passaient, se répétaient et se ressemblaient. J'étais devenu un robot, un être mécanique. Je ne sais même pas comment ma sœur a fait pour me supporter, tant j'étais déprimant et pathétique.
« Allez Wayne, secoue toi un peu bon sang ! » Mais non. Je n'en avais aucune envie. Même Jordan n'a jamais réussi à m'arracher un sourire pendant cette période.
« Hey Batman ! J'ai vu que la voisine avait acheté des poules… Tu crois pas qu'on devrait lui en voler une ? » Vous ai-je dit que cette fille était folle ?
« Non, pas envie. » Et sans même la regarder, j'avais continué à zapper, cherchant un programme ou un film un temps soit peu intéressant. Pourtant, Jordan était habituellement l'une des seules à pouvoir me remonter le moral et me faire sourire quand ça n'allait pas ou quand j'étais énervé. Je la connais depuis que j'ai environ 10 ans et c'était ma princesse. (Ça l'est toujours aujourd'hui, en réalité.) Pour un petit garçon de 10 ans, être amoureux d'une fille, c'était presque une honte. Mais en fait, je m'en fichais. Jordan était différente. Elle se fichait bien de savoir comment elle allait appeler sa nouvelle poupée ou même comment elle était habillée. Jordan était juste… Jordan. Et si j'ai remonté la pente, c'est quand même grâce à elle. Simplement parce qu'elle s'est montrée présente et à mes yeux, c'était le plus important. Elle a été là, aussi bien pour moi, que pour Leven.
« Dis, tu veux te marier avec moi ? » Ce jour-là, j'avais tout fait dans les règles de l'art. La bague en plastique que j'avais piqué à Leven, le genou à terre, et la formule. Bon, même si je pense que cette dernière était un peu déformée, ce n'était pas très grave à mes yeux. Tant que le message était clair… Jordan avait gloussé, me regardant alors droit dans les yeux.
« Mais Wayne, on est trop p'tits. » Oui, j'étais plus que déçu, cette fois-là. Mais la suite de sa réponse m'avait rédonné un peu d'espoir.
« Un jour, quand on sera grand, on se mariera. » Aaah ! Voilà qui était mieux. Je crois que je me souviendrai de cette demande toute ma vie. Jordan et moi, on a toujours été inséparable. Ma vie, je l'ai toujours vue avec elle. Même aujourd'hui, à 18 ans, elle est celle que je veux le plus au monde. Depuis toujours, je suis son homme, celui qui fera toujours tout pour la rendre heureuse. Ça n'en a jamais été autrement. Notre couple s'est fait naturellement. C'était presque comme un commun-accord. Pas de mots, juste un regard. Tout le monde nous a toujours connu comme un couple, et pas seulement comme deux meilleurs amis ou deux gamins qui jouent dans la boue. Je n'ai que 18 ans, mais je sais que Jordan est la femme de ma vie. Je crois à ces conneries, oui. Je crois au fait que parfois, une seule personne peut réussir à nous faire tenir et que cette personne peut rapidement devenir notre seule raison d'exister, de respirer, de vivre.
« Tu sais que tu n'as jamais répondu à ma question, Jordan. » Jordan est blottie contre mon torse, nos doigts sont entrelacés et je peux sentir sa cage thoracique se soulever à chaque respiration. Il n'y a pas de mots pour décrire à quel point je suis bien… Plus que jamais, je sais ce que je veux. Cette question, à laquelle je fais allusion, c'est bien évidemment celle que je lui avais posée 8 ans plus tôt.
« Tu ne m'as jamais dit si tu voulais m'épouser ? » La jolie brune relève son regard et croise le mien.
« Quoi ? Tu plaisantes ! A l'époque on avait seulement dix ans Jason, tu ne penses pas que je t'ai prise au sérieux quand même ? Et puis tu sais bien que maintenant tu n'as plus à attendre pour m'embrasser. » Sa voix est calme, posée. Doucement, je sens sa main venir caresser ma joue. Évidemment, je n'ai vraiment pas à me plaindre. Jordan n'est qu'à moi, je le sais bien. Mais c'est comme si je ressentais le besoin de le montrer, de le hurler au monde entier.
« Tu as raison on n'a plus dix ans, on est adulte et je crois qu'au fond on l'a toujours été bien plus que certaine personne. Tu veux savoir pourquoi ? Simplement parce que je t'aime et je me fiche ce que pense les autres, je sais ce que je veux et ce que je veux c'est me marier avec toi, car tu es la seule personne que je veux et ça pour toujours. » Faire des grandes déclarations, ça n'a jamais été mon truc. Pourtant, j'ai envie de lui faire comprendre pourquoi me marier avec elle m'est si important. Pourquoi je veux passer le reste de ma vie à ses côtés… Je veux pouvoir me réveiller tous les jours en la sentant contre mon torse, je veux sentir ses cheveux me chatouiller le visage, l'entendre râler parce que je ronfle ou parce que je prends toute la place dans le lit… Je la veux elle, avec ses qualités et ses défauts. Ma main serre un peu plus la sienne et mon regard se plante dans le sien. Je suis plus sincère que jamais, à vrai dire.
« Tu es ma famille Jordan, vous êtes ma famille à présent. » Je n'oublie pas ce petit être qui profite doucement, mais sûrement dans le ventre de Jordan. Notre enfant… Il y a deux semaines, Jordan m'avait annoncé sa grossesse. Son regard était empli de panique et j'avais très clairement ressenti sa peur. C'était normal, après tout. Nous ne sommes que deux adolescents, nos études sont loin d'être terminées … Comment faire pour s'occuper d'un enfant ? La panique m'avait prise à la gorge, moi aussi. D'abord incapable de parler, je l'avais regardé droit dans les yeux, absent. Je me souviendrai toujours de ses paroles…
« Wayne… Dis quelque chose. N'importe quoi. » Mon regard s'était machinalement braqué sur son ventre, puis, après quelques secondes, je l'avais relevé vers elle. M'approchant doucement de la jeune fille, mes lèvres avaient capturé les siennes.
« Je t'aime… » lui avais-je dit dans un souffle. J'ignorais ce que nous serions neuf mois plus tard, mais je savais que nous serions toujours ensemble. C'était une évidence, Jordan était mon évidence. Inutile de se prendre la tête. Ce bébé, il allait finir par pointer le bout de son nez et j'étais persuadé que nous ferions tout ce que nous pourrions pour lui offrir la meilleure vie qui soit. Je suis encore persuadé de ça, aujourd'hui. Nous allons être une famille, quoi qu'il arrive… Je sais bien que Jordan est un peu terrifiée à l'idée de devenir une mère, en attendant, elle sera parfaite dans ce rôle. Allongés l'un contre l'autre, j'attends sa réponse. Je prie pour que celle-ci soit positive. Ma main se pose sur son ventre, qui sera bientôt rebondi. Je le caresse doucement, tandis que Jordan plaque ses lèvres contre les miennes. Je souris contre ces dernières, comprenant bien évidemment que la réponse est oui… Elle n'imagine même pas à quel point je peux être le gars le plus chanceux et surtout, le plus heureux.
« On dit toujours de boire avec modération, mais il est jamais là ce con. » ▬ Je pensais qu'après la mort de mes parents, je n'aurais plus jamais à ressentir cette douleur atroce, qui vous prend aux tripes. Je me suis visiblement foutu dedans… Assis dans la salle d'attente de l'hôpital, je fixe le mur en face de moi, écoutant le tic-tac incessant de la pendule. Les secondes passent, se transforment en minutes… puis en heures. Et moi, je sens que je craque.
« La famille de mademoiselle Pierce… ? » Je me lève d'un bond, me plantant face au médecin.
« Je suis son fiancé. » Je prononce ces seuls mots, tremblant et mort de peur. Pitié… Faites que tout va bien. Faites que Jordan et notre bébé soient en bonne santé… Parce que s'il devait leur arriver quelque chose, je ne me relèverais jamais…
« Écoutez monsieur… » J'ai envie de lui hurler d'aller droit au but, de ne pas prendre de gants. De me dire directement ce qu'il en est. Après toutes ces heures, je n'en peux plus. Je suis à bout… Je voudrais simplement qu'il me dise que tout va bien. Ce n'est pas trop demandé, bordel ?! Apparemment, si.
« Nous avons fais notre possible monsieur, je suis désolé mais votre fiancée à perdu le bébé. » Je sens mes jambes se dérober, je suis à deux doigts de tomber. Mais je me retiens contre le mur. Je reste immobile, pendant que la douleur s'empare de tous mes membres. Une douleur cuisante… Notre bébé… Il n'en ai même plus question, maintenant. J'espère alors me réveiller, constater que tout cela n'est qu'un mauvais cauchemar qui ne se réalisera jamais. Mais à deux pas de là, j'entends les sanglots de ma sœur, bien trop réels. J'ai envie de hurler, de cogner… D'évacuer tout ce que je peux ressentir, tout simplement.
« Je veux… Est-ce que je peux… » J'ignore comment je fais pour être aussi calme, j'ignore aussi comment je fais pour rester debout ou même respirer. C'est trop horrible… Pourquoi est-ce qu'il a fallu que cet accident tombe sur Jordan ? Au bout de 6 mois de grossesse, Jordan perd le bébé. Ce n'est pas normal… Mon cœur se fend, se déchire et j'ai peur de voir Jordan. On s'y était fait, à l'idée d'être parents. On le voulait… Comment Jordan va réagir ? Est-ce qu'au moins, elle le sait ? Oui, certainement. J'essaye de faire bonne figure, même si ce n'est pas facile. Jordan va avoir besoin de mon soutien… J'ai besoin de la voir, de la prendre dans mes bras, de la rassurer. Je finis par ouvrir la porte et je découvre une autre Jordan… L'accident à laisser un certain nombre d'hématomes. Mais ce n'est pas ça le pire… Le pire, c'est de la voir éclater en sanglots, la main sur son ventre. Je sens les larmes me monter aux yeux, à moi aussi. Jusqu'à ce que l'une d'elles finisse par perler sur mon visage. Je n'ai même pas la force de lui en vouloir pour cet accident… J'imagine que si elle a pris cet appel, bien qu'elle était au volant, c'est que c'était important. Inutile de lui hurler dessus, pour avoir causé l'accident. Pour avoir perdu notre enfant… On se fixe pendant un certain temps, en silence. Seuls nos sanglots cassent ce silence si douloureux… Sans un mot, je m'approche de son lit, m'installant près d'elle. Mes bras l'encerclent et je la rapproche contre mon corps, sans rien dire. Je la laisse évacuer la pression dans mes bras et sortir toutes les larmes de son corps. Je reste près d'elle jusqu'à ce qu'elle finisse par s'endormir. Moi, je n'y arrive pas. J'ai l'impression d'avoir reçu un poignard en plein cœur et que jamais la douleur ne s'estompera. Je quitte le lit tout en étant le plus discret possible et sans la réveiller. Je m'éclipse de la chambre, me retrouvant dans le couloir. Je reste planté devant la porte pendant de longues minutes, me passant une main sur le visage. J'ai besoin de guérir cette douleur. Je n'ai pas envie de la ressentir une minute de plus… Je crois que je suis à deux doigts de mourir sur place. Mais comment on fait, pour faire disparaitre cette douleur, hein ? Comment je dois m'y prendre ? Je sais que je devrais plutôt rester auprès de Jordan, sauf que j'en suis incapable. Je suis incapable de la soutenir en sachant que j'ai déjà du mal à me convaincre moi-même que ça ira mieux un jour. Alors je daigne enfin bouger mon derrière, me hâtant vers la sortie de l'hôpital. Je regagne rapidement ma voiture et je m'effondre littéralement derrière le volant. Mes poings s’abattent sur ce dernier avec force, la colère se fait largement ressentir et même, je me mets à hurler. Aucune larme ne coule, cette fois. D'un coup, je mets le contact et sort du parking. Je lance ma voiture à toute vitesse sur la chaussée, sachant pertinemment ce qui me ferait du bien. Un bon verre de whisky pur. Voire même une bouteille. Je ne sais pas, mais je sais que ça m'aidera à calmer cette douleur vive. J'arrive devant l'un des bars les plus réputés de Maple Bay. Je sors de ma voiture presque en courant et je ne perds pas de temps avant d'entrer dans le fameux bar. Automatiquement, je me rue près du comptoir comme si c'était un aimant et que j'étais attiré. Je commande mon premier verre, que je bois d'un trait. Puis un autre. Et encore… Je les enchaine et je crois bien qu'au final, j'aurais vraiment dû commander la bouteille entière. Ça m'aurait fait gagner un certain temps. A moi, mais aussi au barman qui commence à être agacé. Eh oui… Il part et deux secondes plus tard, il dois revenir pour remplir mon verre. Le liquide brunâtre me monte à la tête, je le sais. Parce que d'un coup, je me mets à parler tout seul, je me raconte des blagues à moi-même. Un peu comme si je subissais un dédoublement de personnalité. Non, je ne parle pas de schizophrénie, juste que… Vous connaissez Gollum, dans le Seigneur des Anneaux ? Eh bien voilà. Quand je bois, je suis un peu comme Gollum. En plus sexy, évidemment.
« T'es pas un peu jeune pour boire, toi ? » C'est qui lui ? Pourquoi il me parle ?
« Y a pas d'âge, pour l'apéro. Ni d'heure. » Et bam, dans ta gueule.
« Tu sais que je suis flic et que je pourrais t'embarquer sur le champ ? » Est-ce que c'est de ma faute ? Le barman n'avait qu'à pas me servir. Non… Je ne vais quand même pas rejeter la faute sur lui. Ça serait sournois.
« Et tu sais ce qui est petit, carré et jaune ? » Il me regarde, incrédule. A mon avis, il ne s'y attendait pas. Moi non plus, en fait.
« Ben… Un petit carré jaune ! » Et j'éclate de rire tout seul, terminant d'une gorgée mon verre. L'alcool me brûle une nouvelle fois la gorge… J'adore ça. Je me lève de mon tabouret, le regarde avec mon grand sourire de niais et lui adresse un signe de tête.
« Sur ce, je vais aller chasser le mouflon. Bonne soirée, môsieur le policier. » Je vacille légèrement, me prend dans une ou deux tables au passage, mais je parviens à sortir de ce bar. Du moins, je crois…
« Mon garçon, bien joué. Tu as trouvé les toilettes féminines. » Qu'est-ce qu'il fout là, encore ? Je me retourne vers lui et le regarde, un peu perdu. Je me gratte la tête, grimaçant légèrement.
« Merde… Bah ! C'est pas grave, fallait que j'pisse. » Je tente d'ouvrir l'une des portes, mais celle-ci me résiste. Je grogne et peste contre la poignée, avant d'envoyer mon pied cogner contre la porte. Mon pied passe au travers et j'entends une femme hurler.
« Ah, merde. J'crois que c'est occupé. » Je finis par me laisser tomber par terre, la jambe coincée dans l'énorme trou que j'ai fait. Et le pire ? C'est que je suis mort de rire.
« Bon allez, ça suffit mon garçon. Je t'embarque. » « Oh bah non ! J'ai envie de pisser, bordel ! » « Bah tu pisseras au commissariat. » Ne me demandez pas pourquoi, mais le fait de savoir que j'aurais le droit de tester les toilettes du commissariat me rend heureux. Je me laisse donc faire, m'excusant brièvement auprès de la jeune femme qui faisait gentiment ses besoins. Je ne sais même plus pourquoi j'ai passé ma soirée dans ce bar, mais en tout cas, je la termine en cellule. J'y passe d'ailleurs la nuit. En me réveillant, un mal de crâne pas croyable me prend. C'est comme si un marteau-piqueur s'était infiltré dans ma tête et cognait contre la paroi de mon crâne. En prime, j'ai le droit à une bonne engueulade.
« WAYNE JASON VALENTINE ! QU'EST-CE QUE TU FOUS ICI ? » Leven se tient devant moi, les mains sur les hanches. Elle ressemble drôlement à maman, comme ça.
« Je… Je sais pas. » Un flic vient ouvrir ma cellule et me laisse sortir. Une fois devant Leven, sa main s'abat violemment sur ma joue. Bordel… J'aurais préféré rester derrière ces barreaux, moi. Je lâche un gémissement de douleur. Les yeux de ma sœur s'embrument soudain.
« T'es pitoyable… Au lieu de rester auprès de Jordan… T'es vraiment trop con. » Ma main se porte à ma joue, endolorie. Et là… Je me souviens. Enfin, pas de ce qu'il m'est arrivé au court de la nuit. Mais d'avant… De Jordan et la perte du bébé. Pour le coup, je ne rêve que d'une chose : retourner me bourrer la gueule. Parce qu'au moins, même si ne pas se souvenir de ce que l'on a fait au réveil est désagréable, tant que je suis sous l'emprise de l'alcool, j'oublie tout. Je sombre dans l'inconscience et j'ai l'impression d'être invincible. Que rien ne peut m'atteindre, que les mauvaises nouvelles sont loin… Ouais, le whisky semble être le meilleur remède contre tout ça.
« L'alcool est un ennemi. Fuir l'ennemi, c'est lâche. » ▬ Bon, alors… La petite aiguille, c'est pour les minutes. La grande, c'est pour les secondes et celle qui bouge tout le temps … C'est certainement pour les heures ! Aaaah ! Non ! Le temps passe trop vite… Mes yeux s'écarquillent et je panique.
« POURQUOI LE TEMPS PASSE AUSSI VITE, HEIN ? » Warren, mon grand pote de bar me regarde, jette un œil à ma montre et explose de rire. Okay… Je dois avoir un problème. C'est le moment de se concentrer une nouvelle fois. Je me gratte la tête et tout en buvant une nouvelle gorgée de mon verre, je tente de définir les fonctions de chaque aiguille. La grande aiguille qui bouge sans arrêt, on l'appelle la trotteuse. Je crois… Je n'ai jamais compris pourquoi, d'ailleurs. On doit certainement la comparer à un poney ou un animal dans le genre. Bref, celle-là, c'est impossible que ce soit pour les minutes ou les heures. J'ai forcément eu un problème dans ma déduction. Donc si ce n'est ni les heures, ni les minutes… C'est forcément pour les secondes ! Voilà, je sais, maintenant. Ensuite, la grande aiguille… Je la fixe, louchant presque dessus. Elle n'avance pas aussi vite que celle des secondes, mais toujours plus que l'autre, la petite. Je relève la tête et me pince les lèvres, pendant que le barman m’interrompt.
« Un autre verre ? » Lui, je l'aime. Je lui lance un grand sourire, les yeux pétillants.
« On ne boit jamais assez, si vous voulez mon avis ! » Et je pousse mon verre dans sa direction. Malgré tout, je sais que si on faisait bruler mon corps dans la minute qui suit, je prendrais feu tant il doit être imbibé d'alcool. Humpff… Je secoue la tête et baisse mon regard sur ma montre. En parlant de minutes, cette grande aiguille, elle doit surement les indiquer. Donc, si ma réflexion est bonne, il ne reste plus que les heures. LA PETITE AIGUILLE !
« MAIS OUI, C'EST CA ! » Warren me regarde, intrigué.
« Quoi ? Qu'est ce qui est ça ? » Je lui tape l'épaule, fier de moi.
« J'ai trouvé comment lire l'heure ! » Maintenant, il ne me reste plus qu'à en déduire l'heure qu'il est actuellement.
« Ouais, et ? » Il ne me comprend décidément pas du tout. Moi, en tout cas, après des efforts monstres pour lire l'heure, j'en conclus une chose.
« Et je crois que je suis en retard. » Mon sourire disparaît d'un seul coup… Merde…
« En retard pour quoi ? » « Pour mon mariage. » Je suis peut-être soul, mais je reste suffisamment conscient pour savoir que ce n'est pas une journée comme les autres. Putain, je suis vraiment le dernier des crétins… Je ne vais quand même pas abandonner Jordan devant l'autel ? Je la veux comme femme, je la veux pour moi. Je veux passer ma vie à ses côté … Après la perte du bébé, je ne peux pas l'abandonner. Je ne veux pas… Warren pouffe de rire.
« Bah ! C'est pas grave. C'est pas toi qui disais toujours, que même le jour de ton mariage, tu serais en retard ? T'as une excuse. » Il n'a pas tort… Mais je ne peux pas. Je me lève brusquement, sors quelques billets de ma poche et balance le tout sur le comptoir. Je m'en fiche de savoir si j'ai payé assez ou trop, le plus important, c'est Jordan… Putain, je ne suis même pas habillé. Comment je vais faire ? Si au moins, je voyais bien. Mais non… Le sol bouge drôlement et il y a du brouillard partout. Allez, Wayne… Reprends toi bon sang !
« Vous pouvez embrasser la mariée. » Je ne sais pas comment j'ai fait, mais j'y suis. Je vais réellement finir par croire que je suis Batman, moi. Bordel… Plus jamais je ne me marierai bourré. Enfin, techniquement, ça n'arrivera pas deux fois dans ma vie ! Mais bref, je me comprends. Ce que je veux dire, c'est que j'ai l'impression de planer, d'être dans un autre monde complètement décalé. Et puis l'autre-là, ce grand gars avec sa robe, il me fait marrer… Rien que son allure me fait penser à un clown. Durant toute la cérémonie, je l'ai imaginé avec un nez rouge. Autant dire que j'ai dû me mordre l'intérieur de la joue suffisamment fort pour ne pas éclater de rire. Mon visage se rapproche de celui de Jordan et j'incline légèrement la tête. Je capture ses lèvres et si je pensais que ce baiser serait le plus beau de toute notre vie… Je me rends compte que c'est totalement faux. Je la sens reculer un peu, avant de me fixer droit dans les yeux.
« Je peux pas le croire… » Je sens l'alcool à plein nez… Jordan aurait même pu finir bourrée, si j'avais prolongé ce baiser. Je ne saurais même pas dire tout ce que j'ai bu… Tout ce que je sais, c'est que mon enterrement de vie de garçon, je ne m'en souviens pas. Je lui lance un regard désolé, mais je sais que ça ne changera rien. Je me suis ramené complètement ivre à notre mariage et j'imagine que Jordan va m'en vouloir pendant un certain temps… Si ce n'est pas durant toute sa vie. Je m'attends à me prendre une gifle, qu'elle me hurle dessus… N'importe quoi. Mais non. Jordan se contente de me regarder en silence et à mes yeux, c'est pire que tout. Parce que je sais que je l'ai déçu et que je n'aurais jamais dû boire autant. Le problème, c'est que l'alcool est mon ami depuis quelques mois. Je suis incapable de m'en détacher, incapable de ne pas boire pendant une journée. J'en ai parfaitement conscience. Sauf qu'au lieu de lutter, je prends mon pied. La fausse-couche de Jordan, je ne l'ai pas oublié. La douleur non plus. Je n'ai rien oublié… A moins de boire, je me sens impuissant, triste, vide. Et je ne veux pas… Je déteste ressentir tout ça. Alors l'alcool m'aide et je m'évade à ma manière. Je n'ai pas envie de m'arrêter… Pourtant, je sais que je le devrais. Jordan en souffre, Leven aussi, certainement. Tout le monde… Je ne suis qu'une épave. Je ferais mieux de me terrer dans un trou avec mon pote Jack Daniels et mourir en silence. Ouais, c'est ce que je devrais faire. Jordan ne devrait pas avoir à me supporter de cette manière… Au lieu de la rendre heureuse, je la fais souffrir comme jamais. Après aujourd'hui, je ne pourrais plus jamais me regarder dans un miroir. C'est pour ça que discrètement je décide de partir. De laisser nos invités profiter de la fête, sans moi. Où je vais ? Dans un bar de Maple Bay. Au moins, je me sens à ma place. Je suis loin de me douter que je ne fais qu'aggraver les choses…
« Mais putain t'étais passé où ? » Largement après la fin de notre mariage, dans la nuit, je regagne notre logement. Je pensais que Jordan était couchée depuis longtemps… Or, ce n'est pas le cas. Elle m'attendait.
« Je… » J'ai du mal à tenir debout, je sens encore l'alcool et je n'arrive pas à penser correctement. J'étais prêt à lui dire que j'étais dans un bar, mais à la réflexion… Je ne pense pas qu'elle apprécierait de savoir cela. Mon regard se baisse et fixe la bouteille de whisky que je tiens dans ma main. Ouais, ça, ça va me faire du bien. Je porte le goulot à ma bouche et en boit une longue gorgée.
« Pourquoi tu fait ça ? Pourquoi hein !… mais réponds moi bordel ! » Les larmes se mettent à couler sur ses joues… Je voudrais pouvoir l'empêcher de pleurer, la serrer dans mes bras… Mais si je fais un pas, il y a de grandes chances pour que je perde l'équilibre et que je me retrouve sur le sol. Je ne bouge donc pas…
« Regarde nous Jordan, on s'entretue, on meurt à petit feu, on… » C'est faux…
JE la tue.
JE meurs à petit feu. Pas elle… Jordan subit simplement tout cela et dans le fond, je suis persuadé que c'est largement pire que tout ce que je peux ressentir.
« Je veux que tu partes d'ici tu comprends je veux plus de ça en plus, j'ai c… » Je me tais. J'allais dire quoi ? Ah ouais, que j'avais couché avec une autre. Je cherche un moyen de la dégoûter et qu'elle me laisse tranquille. Elle ne me mérite pas… Je ne suis plus rien. Je suis une épave, une vraie loque. Personne ne voudrait d'un gars comme moi. Absolument personne… Je ne veux plus la faire souffrir comme je le fais, je veux qu'elle soit heureuse… Je veux lui rendre sa liberté, qu'elle retrouve sa joie de vivre…
« En plus tu as quoi ?! Vas y continue jette toi à l'eau. Dis-moi la vérité ! Tu me dois bien ça tu ne crois pas ! » « Quoi tu veux vraiment que j'aille au bout de ma phrase ? Très bien ! Je veux plus de toi et j'ai couché avec une autre. Ça te va t'es satisfaite à présent ?! » Je me gifle mentalement, pour tout le mal que je lui inflige. Ces mots sont sortis tous seuls. Mais au moins, je suis sûr qu'elle ne cherchera plus à me retenir.
« Tu n'es pas le seul à souffrir Wayne, tu n'étais pas seul, mais tu sais quoi c'est trop je veux plus jamais te voir ! Tu as gagné j'en ai plus rien à faire à présent… » Ses mots m'achèvent, me tuent littéralement. Mais je l'ai mérité, je l'ai cherché et d'après qu'on ne récolte que ce que l'on sème. J'ai eu tort sur toute la ligne… J'aurais dû la soutenir, lui faire comprendre que je voulais toujours passer ma vie avec elle. Je ne me suis pas marié avec elle pour rien… Notre entourage va bien rire. Un mariage qui dure à peine une journée, ça doit être inédit. Il n'y a pas de quoi être fier, cela dit… Je suis le pire des conards, mais je m'en fous. Je ne veux plus lui faire du mal. Si pour ça, je dois renoncer à nous, à notre couple… Alors, d'accord. Ça me fait mal de la voir dans cet état, seulement c'est trop tard pour la retenir. Je la laisse partir et moi, je m'enferme dans notre chambre. Je termine ma bouteille, la jette dans un coin de la pièce et m'affale sur le lit. J'ai besoin de dormir…
« Haha, oublie-la, t’as plus de chance de te voir sortir des anges du trou de balle que de fréquenter une fille comme ça. » ▬ Wow la vache ! C'est froid, ça. C'était quoi ? J'ouvre les yeux et me redresse subitement. Je suis trempé et mon petit doigt me dit que je me suis pris un saut d'eau bien glacé sur la tronche. Je me ramasse royalement par terre et je reste allongé, fixant le plafond. Ah ben autant dire que ça remet les idées en place… Je porte une main à ma tête et ronchonne. Mon crâne me fait mal. Comme à chaque lendemain de cuite, en fait. La tête de ma sœur apparaît dans mon champs de vision et j'aperçois aussi le saut vide.
« Leven t'es complètement malade ou quoi ! » Je me relève un peu, mécontent.
« T'es content tu as eu ce que tu voulais Jason te retrouver seul et à faire souffrir ma meilleure en plus de ça. Quel mariage de rêve dis-moi ! » Je souffle bruyamment et finis par me lever, faisant face à Leven. Elle m'agace… Si elle croit que je suis satisfait, elle se plante. Moi qui pensait qu'elle me connaissait… Mais je ne peux pas vraiment la blâmer. Ce n'est pas elle l'idiote, dans l'histoire. Pourquoi est-ce qu'elle pense que je suis content, hein ? J'ai vraiment la gueule d'un mec heureux ?
« De quoi tu parles c'est pas ce que je voulais je… » Comment lui expliquer que si j'ai fait ça, c'est pour Jordan ? Elle ne me croira jamais, c'est certain… La façon dont j'ai agi est incompréhensible, de toute façon. Je m'arrête de parler et plante mon regard dans celui de ma petite sœur. J'espère que ce simple regard suffira et qu'elle va me laisser tranquille. Je sais bien qu'elle est plus triste que jamais, parce que Jordan est sa meilleure amie. Et c'est justement pour cette raison que je ne peux pas lui expliquer ce qui se passe dans ma tête. Je ne veux pas que Jordan revienne vers moi, je ne veux pas qu'elle sache que je tiens à elle, que je l'aime comme un fou. Je veux qu'elle retrouve sa liberté, son sourire… Qu'elle redevienne la Jordan d'avant. Pas celle que j'ai blessé.
« Elle est partie et pour de bon. » Je ne m'attendais pas à ça.
« Quoi ? » Leven hausse les épaules et me tourne le dos. Elle sait très bien que j'ai compris. Elle disparaît de la pièce et moi, je tombe lamentablement sur le sol, la tête entre les mains. Pour la première fois depuis des mois, les larmes me montent aux yeux et se mettent à couler le long de mes joues… Ce n'est pas ce que je voulais. Je ne voulais pas qu'elle parte… Bordel ! Je me rends compte que tout doucement, Jordan m'avait filé entre les doigts et qu'aujourd'hui, je l'avais perdue. Je peux être certain d'une chose : je ne risque plus jamais de l'avoir de nouveau dans ma vie… Jordan & Wayne… C'est terminé, fini. J'ai le cœur broyé, lacéré. Tout faire pour faire fuir une fille et ensuite pleurer son départ… Quel idiot ferait ça ? Moi, bien-sûr. Je ne sais même plus si ça vaut la peine que je me batte encore pour quelque chose… J'ai perdu tellement de choses au cours de ces derniers mois, déçu tellement de personnes… Plus rien ne vaut le coup. Je relève mon regard, qui survole la pièce. Je m'arrête sur la bouteille de whisky vide. Ça… Je dois arrêter. C'est peut-être trop tard, mais au lieu d'abréger mes souffrances, ça n'a fait qu'empirer les choses. S'il me reste une petite chance de me rattraper auprès de Jordan, je dois arrêter de boire autant. Voire arrêter complètement. Enfin… Comme s'il restait encore de l'espoir… J'ai tout perdu. Tout…
« T'en fais pas, mon garçon. Il faut simplement lui laisser le temps de digérer tout ça. Et toi, tu dois arrêter de fraterniser avec Mireille la bouteille. » J'esquisse un mince sourire et attrape la tasse de café bien chaud que le père de Jordan me tend. Je ne comprends pas pourquoi, mais lui, il ne m'en veut pas. Il est le seul à savoir que je n'ai jamais trompé Jordan et que je n'ai pas fait tout ça par pur plaisir. Oh non… Il sait tout. Heureusement, d'ailleurs. Mine de rien, c'est toujours utile de savoir qu'au moins une personne sur terre ne vous en veut pas pour la façon dont vous avez agi. J'avale une gorgée de boisson chaude.
« Merci. » Il me gratifie d'un signe de tête et s'assoit en face de moi.
« Tu vas faire quoi maintenant ? » Très bonne question. Je pense à m'enfuir au Pôle Nord avec une bonne réserve de bouteilles avec moi… Mais non. Mauvais plan.
« J'sais pas… Chercher une université qui veut bien de moi et faire des études. Quelque chose comme ça… » Après tout, je n'ai que 18 ans, dans quelques mois, j'en aurais 19. Et puis maintenant que je n'ai plus Jordan, je dois tout de même penser à mon avenir. Seul. Si au moins, je pouvais exceller au niveau professionnel, ça serait bien…
« Tu as des idées de filière ? » « Peut-être le Droit. » Je bois un peu de café, pendant que le père de Jordan me regarde en acquiesçant d'un signe de tête.
« C'est vrai que tu pourrais faire un très bon flic. » Je hausse les épaules, tout en retenant l'idée. C'est vrai que ça peut être un bon plan, ça.
« Ouais… Bon, je vais y aller. Merci pour le café. » Je me lève et attrape ma veste.
« De rien mon garçon. Tu seras toujours le bienvenu ici. » Il me serre dans ses bras, me donnant au passage un peu de confiance. Je quitte la maison des Pierce et en sortant, je me prends un bon coup de poing en pleine poire… Aoutch… Je porte ma main à mon visage, regardant devant moi. Liam… Génial.
« Qu'est-ce que tu fous ici, conard ? Je pensais que t'avais compris qu'on voulait pas de toi ici. » « Ben faut croire que non. » Deuxième coup de poing. Bordel ! Il va arrêter ça, lui ? Il lève une nouvelle fois son poing et cette fois, je lui assène un coup avant même qu'il ne me touche.
« CA VA ! J'ai compris que tu me portes pas dans ton cœur. Pas la peine d'être aussi violent ! » Il me regarde et me pousse violemment.
« Pas la peine d'être aussi violent ? » Il lâche un rire sarcastique, tandis que ma mâchoire se serre. Il ferait mieux d'arrêter son petit jeu, ou il va savoir ce que la violence peut réellement être.
« J'veux simplement te faire autant de mal que tout ce que tu as pu faire à Jordan. » Là… Il marque un point. Il me hait, le message est passé. Je soupire et passe une main sur mon visage. Je n'ai pas envie de me justifier, surtout pas auprès de lui.
« Laisse moi passer, Liam. » Il rigole une nouvelle fois mais ne semble pas vouloir bouger… Très bien… Je m'avance vers lui et le pousse, le forçant ainsi à me céder le passage. Sans un mot, je quitte l'endroit et remonte dans ma voiture. Aïe… Je regarde mon reflet dans le rétroviseur et en effet… Liam n'y a pas été de main morte. Il a de la force, le p'tit con. Au moins, je sais ce qu'il pense de moi. Il ne pouvait être être plus clair…
« C'est quoi ça ? Tu ne m'avais pas dit que tu étais marié ! T'ES VRAIMENT LE PIRE DES MENTEUR ! » Aileen est dans l'encadrement de la porte et tient des papiers non identifiés dans les mains. Je grogne et me redresse sur mon lit, plissant les yeux pour essayer de voir de quoi il s'agit. Pas besoin de lire pour comprendre… Et puis la question d'Aileen confirme la nature de ces papiers. Je me lève brusquement, nu comme un ver. Je me dirige vers elle et lui arrache les papiers des mains.
« Qu'est-ce que ça peut foutre ? On est pas ensemble. » Machinalement, je relie le contenu. Ces papiers n'attendent que ma signature et ça, depuis des mois et des mois. Voire même une ou deux années. Je ne sais plus exactement quand je les ai reçus… En tout cas, la signature de Jordan y figure. La mienne, elle attendra.
« On est pas ensemble ? T'es en train de me dire que je suis juste ton plan cul ? T'es marié oui ou merde ? » Et voilà qu'elle s'énerve… Je ne vais pas aimer ça.
« MERDE ! Voilà, t'es contente ? Maintenant, t'es mignonne, mais tu dégages. » « NON ! Je veux des explications. » Je ricane en levant les yeux au ciel.
« Ouais, et moi je voudrais bien que tu comprennes que oui, t'es juste un plan cul. Mais on a pas toujours ce qu'on veut, dans la vie. » Pourquoi je tombe toujours sur les filles les plus fouineuses ?
« T'es qu'un conard ! » Je soupire et jette un œil à l'heure.
« Je suis aussi très en retard au travail, moi. » Je lâche ça sur un ton détendu, comme si je me foutais royalement de cette fille. En réalité, c'est le cas. Je m'en fiche d'elle et de toutes celles qui ont pu passer la nuit avec moi. Il n'y en a qu'une seule qui compte et c'est le cas depuis toujours. Maintenant, est-ce que Jordan pense toujours à moi ? Je n'en sais rien… Je ne suis pas sûr de vouloir connaitre la réponse, en fait. Je regarde les papiers du divorce encore une dernière fois et comme d'habitude, je les remets dans ce fameux tiroir qu'il ne faut surtout pas ouvrir. Je ne compte pas les signer… Peut-être que je le ferais un jour. Mais pas aujourd'hui.
Accueil 
En tout cas, je suis contente que ça te plaise 
