« VOUS NE PASSEREZ PAAAAAS ! » Au moment même où Gandalf fait face à ce gros monstre, j'entends un petit bip sonore. Oh non, pitié… Pas maintenant ! Malheureusement, je n'ai pas le choix. Ce soir, je dois veiller sur la ville de Maple Bay. Le devoir m'appelle ! Je me lève péniblement et éteint le lecteur DVD. Ta gueule, Gandalf. Je jette un coup d’œil à ma montre, qui m'indique qu'il est tout juste 22h00. Pourquoi les gens ne vont pas au lit, à cette heure-là ? Il n'y aurait pas d'accident ou de soucis et je n'aurais pas à sortir mon petit derrière de chez moi. Malheureusement, dans la vie, on a pas toujours ce que l'on veut. Je me dépêche donc de sortir de chez moi, tout en veillant bien à verrouiller la porte. En quelques minutes, j'arrive à la caserne de pompier où j'enfile l'uniforme adéquat. « Hum… Wayne… Je crois que t'as même pas besoin de porter ça. » Je me retourne vers Matthew, qui lui, a gardé ses habits de tous les jours. J'arque un sourcil et le regarde. « Quoi ? Pourquoi ? C'est quoi en fait, l'urgence de ce soir ? » Il me regarde en souriant. « Bah justement… C'est pas vraiment une urgence. C'est juste Madame McQueen. » Je laisse mes bras retomber le long de mon corps et pousse un long soupir. « Oh putain, c'est pas vrai… » Matthew pouffe de rire, mais moi, je ne trouve pas ça très drôle. Madame Milligan, c'est une vieille dame qui est un peu parano et qui en plus, nous dérange assez souvent pour des choses vraiment futiles. Des fois, je me demande même si elle ne nous prend pas pour les flics du coin. La dernière fois, elle nous avait appelé parce que, soit-disant, quelqu'un rôdait dans sa maison. Par politesse, nous avions accepté de s'occuper de cela, tout en prévenant la police. Finalement, c'était juste son vieux chat qui s'amusait dans sa cuisine. Bref… Je n'ai vraiment pas de chance, visiblement. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas non plus le choix. Vieux chat ou pas, urgence ou pas, on doit se rendre chez Madame Milligan. « C'est pour quoi, cette fois ? » Matthew me regarde et tente de reprendre un air sérieux. Il a encore des efforts à faire, celui-là… « D'après que son chat est coincé dans un arbre. Coup classique. » Je secoue la tête et passe une main sur mon visage, esquissant un mince sourire. « Bon, ça aurait pu être pire. » Matthew acquiesce d'un signe de tête et monte dans le camion de pompier. Je hausse les sourcils et croise les bras sur mon torse. « Attends… T'es pas sérieux, j'espère ? Tu comptes vraiment prendre cet engin pour aller débloquer un pauvre chat ? » « Bah, on sait jamais… On pourrait avoir besoin de l'échelle. Sauf si tu veux grimper dans l'arbre tel Tarzan ? » Je pouffe de rire et finis par grimper dans le camion, du côté passager. « Déjà moi, c'est Batman. » Mon collègue rigole et démarre, sortant le gros camion de la caserne. « Et puis… Pendant qu'on y est, on va même mettre la sirène ! » « Ah bah là… Madame Milligan, quand elle va voir ça, elle va être touchée. C'est pas tous les jours qu'on accorde autant d'importance à son chat ! » Matthew met la radio et monte le volume. Ce gars est dingue… Il se met à faire la danse de la tête et se trémousse derrière le volant. S'en est presque, dangereux, d'ailleurs… « ICE ICE BABY ! VANILLA ! ICE ICE BABY ! VANILLA ! ALLEZ WAYNE !! SECOUE TON CORPS ! » Okay… Lui, il est définitivement en train de craquer son slip. « Non, je te laisse faire, tu fais ça tellement bien ma poule ! » Il ne se gêne pas pour continuer sa petite danse bizarre, tout en chantant à tue-tête. Sa voix résonne dans l'habitacle et pour un peu, j'en aurais presque mal à la tête. « Now that the party is jumping, with the bass kicked in, the fingers are pumpin'… » Le pire, c'est qu'il est sérieux. Alors moi, je suis mort de rire à côté de lui et je crois que je suis à deux doigts de mourir. Mon estomac me fait un mal de chien et je pourrais presque me pisser dessus. On finit par arriver devant chez Madame Milligan. Matthew baisse le volume de la musique et me jette un regard amusé. « Bon allez, on arrête les bêtises. T'es prêt ? » Je souffle, j'inspire, j'expire… Okay, Batman est prêt. Je lui fais un signe de tête et nous sortons de l'engin, nous dirigeant vers la petite porte d'entrée. Une fois devant celle-ci, je frappe doucement. « Madame Milligan ? Ce sont les pompiers. Nous sommes venus… » « AAAAAH ! Vous voilà enfin ! Ça fait une heure que Minette est coincée là-haut… Ce n'est pas normal. Ah non … Pas normal du tout ! Vous savez, d'habitude je l'appelle et elle vient mais là… Elle reste bloquée. Ce n'est pas normal, je vous dit. Il faut l'aider ! Si elle passe la nuit dehors, elle pourrait attraper froid. Et vous comprenez, Minette est ma seule compagnie… Je ne voudrais surtout pas la perdre. Vous croyez que vous pouvez la faire redescendre ? » Son regard navigue entre moi & Matthew. D'ailleurs, on se regarde, à la fois étonné et fasciné. Je n'ai jamais vu une vieille dame paniquer autant pour un chat… Et encore moins parler aussi vite ! « Euuh… Bien-sûr. Où se trouve votre chat ? » La vieille dame nous montre du doigt un arbre, juste à côté de l'allée. « Là-haut. Vous voyez ? Oh mon Dieu… Ma pauvre Minette ! » J'analyse rapidement la hauteur et visiblement, nous n'aurons même pas besoin du camion. « Je m'en occupe. Dites moi, Madame Milligan, vous auriez une échelle ? » « Oui, bien-sûr. Dans le petit cabanon, dans le fond du jardin. » Je lui adresse un signe de tête. « Je m'en occupe. » Matthew reste sur le pas de la porte à discuter avec la vieille dame, pendant que je contourne la maison, me dirigeant vers le fond du jardin. Je n'ai aucun mal à trouver l'endroit indiqué. J'entre donc dans le petit cabanon, à la recherche de cette fameuse échelle. Une fois trouvée, je retourne sur mes pas, dépliant l'échelle sous l'arbre où se trouve le chat. « Faites attention, hein ! » « Ne vous inquiétez pas, Madame. Je contrôle la situation. » J'ai connu pire, à vrai dire… Je grimpe à l'échelle et arrive à la hauteur du chat. Ce dernier semble particulièrement agressif et entre deux miaulements, il lâche son cri de guerre. Je suis cool, je reste cool. Je suis cool, je reste cool. Non, je déteste les chats ! Allez Wayne… Je prends mon courage à deux mains et tends les bras vers la bête. Je l'attrape non sans difficultés, vu que ce félin tente de se libérer de mon étreinte. « Bordel… Mais arrête ça ! » Comme si un chat pouvait comprendre mes paroles… M'enfin, ça vaut le coup d'essayer. Je redescends doucement, gardant bien le chat contre moi. « OH MON DIEU ! MA MINETTE ! » Je me dirige vers Madame Milligan et lui rend son chat. Elle le couvre de baisers, plus heureuse que jamais. Je ne la comprendrai jamais… Matthew me lance un clin d’œil et je hausse les épaules. « Merci beaucoup, Monsieur Valentine. Merci infiniment ! » Et c'est limite si elle ne nous vire pas de chez elle, puisque deux secondes plus tard, elle nous claque la porte au nez. « Merci, bonne soirée à vous aussi ! » Matthew secoue la tête, visiblement mécontent. Je pouffe de rire, lui tapant légèrement l'épaule. « Oh te plains pas… Imagine, elle nous aurait inviter à boire un café chez elle ou je n'sais quoi ! » « Bah justement, ça a encore le temps d'arriver… Donc… On se casse !! » Je ne me fais pas prier pour suivre Matthew dans le véhicule de fonction. Je ne tiens pas spécialement à voir Madame Milligan sortir pour nous proposer de boire un café, un thé ou n'importe quelle autre boisson. Le trajet du retour est beaucoup plus calme que celui de l'allée, il faut l'avouer. Je me contente de fixer la route à travers le pare-brise. « Au fait, toutes mes félicitations pour cette mission, Valentine. Tu m'as épaté ! » Je ricane et secoue la tête. « Le talent, que veux-tu… On est un super-héros, ou on l'est pas. » Ce n'est pas pour rien, si je m'appelle Wayne, de toute façon. Une fois arrivée à la caserne, Matt quitte le camion de pompiers et se dirige vers sa voiture. Moi, je dois encore me changer… « Tu vois, je t'avais dit que c'était inutile de mettre la tenue de pompier officielle. » Je me gratte la tête et commence d'ailleurs à l'enlever. « Tu me l'as dis trop tard, j'étais déjà changé. Bref, c'est pas grave. Dans deux secondes, je suis prêt à repartir. » « Si tu le dis… Bon bah, bonne nuit ! » Je lui adresse un signe de tête et le voilà parti. Quant à moi, je retrouve rapidement mes vêtements et je ne tarde pas non plus à quitter la caserne.

« Putain de merde… MES CLÉS ! » Je fouille le fond de mes poches, je secoue ma veste, je refouille une nouvelle fois mes poches et… Merde. « C'est pas vrai… » Je souffle bruyamment, scrutant le sol. Elles ne sont pas bien loin, quand même ! J'étais à deux doigts de rentrer chez moi, à deux doigts de me glisser dans mon lit et… Bah non. Il a fallu que je perde mes putain de clés. Je me pince l'arrête du nez, me demandant sérieusement si j'ai un mauvais karma. Enfin… Je ne vais peut-être pas rester planté sur le pas de ma porte toute la nuit… Je sors mon téléphone portable de ma poche et compose le numéro de Leven. Elle est revenue à Maple Bay depuis peu… Vu qu'elle est retournée dans la maison de nos parents, elle doit bien avoir un petit lit de libre pour son frère. « Allez Leven, réponds bordel… ! » Avec la chance que j'ai ce soir, il ne faut pas trop en demander. Je soupire et remet mon téléphone dans la poche de mon jean. Je regarde fixement ma porte, songeant très sérieusement à la défoncer… Ouais, non. Mauvais plan. Tant pis, Leven ne va pas être très contente… Mais là, je ne compte pas dormir dehors. Je dévale alors les escaliers de l'immeuble et retrouve ma voiture sur le parking, garée juste devant le bâtiment. Je reprends une nouvelle fois place derrière le volant et il ne me faut que quelques minutes pour arriver devant notre ancienne maison, aujourd'hui entièrement rénovée. En sortant de ma voiture, je ne peux m'empêcher de fixer durant de longues secondes cette demeure… Tellement de souvenirs m'envahissent d'un coup. J'esquisse un mince sourire, un poil nostalgique. Je voudrais tellement que mes parents soient là… Je suppose que c'est la même chose pour Leven. En tout cas, moi, je n'aurais jamais pu revenir vivre ici. Ça me sert bien trop le cœur. Bref, ce n'est pas vraiment le moment de penser à ça. Rapidement, je remarque que la fenêtre donnant sur le salon est éclairée. Ouf, Leven n'est pas encore couchée ! Je me précipite vers la grande porte d'entrée et frappe de toutes mes forces contre celle-ci. J'espère qu'elle est solide ! « LEVEEEEEN ! C'EST TON GRAND FRERE ADORÉ !! FAUT QUE TU VIENNES M'OUVRIR ! J'AI PERDU MES CLÉS ! » Okay… Elle va certainement croire que je suis bourré. Ce qui, dans mon cas, n'est pas bon du tout. Avec un peu plus de calme, je frappe une nouvelle fois à la porte. « Leven ? Je suis sérieux. J'ai perdu mes clés, j'ai pas de lit pour dormir et en plus, j'ai froid ! » Parce que bon, nous sommes quand même en Décembre et en général, il ne fait pas 30°C. Je sais que je ne suis pas frileux, mais enfin ! Je ne suis pas non plus un four sur pattes. « Je sais que t'es là ! J'ai vu la lumière. Dis-le, si tu veux pas que je squatte chez toi. Promis, c'est juste pour cette nuit. J'ai certainement laissé mes clés à la caserne. » A ce stade, c'est tout le voisinage que je réveille. Je commence à m'impatienter, d'ailleurs. Heureusement, je finis par entendre un léger cliquetis et la poignée bouge. « Ah, enfin ! » La porte s'ouvre tout doucement et… Oh merde. Alors ça… Soudainement, je perds tous mes moyens. Mon regard fixe la jeune fille en face de moi. Ce n'est pas Leven, ça non… Qu'est ce que Jordan fait ici ? JORDAN ! Ma femme. Enfin, ex femme. Quoi que… Non, ma femme. Je n'ai pas signé les papiers. « Jordan ? » Je crois que là, c'est très clair. Je suis plus que surpris… Je ne m'attendais surtout pas à voir la jeune fille ici. « Je… J'ai perdu mes clés. » Ouais, je crois qu'elle l'a déjà compris, ça. « Est-ce que… Enfin, je peux entrer ? » J'ignore comment elle va réagir mais moi, je ne veux surtout pas passer la nuit dehors. Elle doit certainement me détester, c'est certain. Alors j'ose encore espérer qu'elle ne me déteste pas au point de me laisser mourir de froid sur le pallier.