Lumière et contes de fées. Froid et neige glacée. Boissons chaudes et achats à volonté. Noël n'avait plus cette magie d'antan. Noël n'était rien d'autre qu'une fête, où même les pires d'entre nous pouvaient se réunir et célébrer la joie, le bonheur et l'amour. Un amour familial qui parfois, avait cessé d'exister dans les yeux de certains. Des êtres sans vie et morne. Des êtres qui se moquaient de noël. Birdy détestait noël, elle détestait profondément cette fête et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'offrir autour d'elle, à ses proches, un bonheur sans merci. Sourire et rire en pagaille, elle oubliait le temps d'un instant que son propre père fêterait en prison son quatrième noël. Elle oubliait le temps d'un instant que cette fête lui donnait la nausée. Elle savait que le repas de famille se limiterait à ma soeur et moi, puisque celle qui lui 'avait donné la vie ne sortirait sans doute pas de chez elle, préférant passer le réveillon avec sa bouteille comme compagnie. Pourquoi pas après tout.
Elle avait quitté l'appartement tôt ce matin pour faire les achats de noël. Cadeaux et repas, il fallait vraiment tout acheter. Et sa soeur ne lui facilitait pas la tache en lui donnant pour idée de présent à mettre au pied du sapin une doudoune pour son chien. Elle était bien partie pour passer la journée à chercher et à passer de magasin en magasin dans l'espoir qu'une illumination lui tomberait brutalement dessus. Elinor, je te maudits vraiment., pensa-t-elle alors qu'elle s'approchait d'un magasin de musique, lui rappelant une nouvelle fois que elle avait quitté une tournée, laissant le garçon qui avait réussi à franchir sa carapace avec ces voraces de jeunes filles puériles.
Sur les coups de midi, quelques paquets à la main, elle avait regagné l'appartement qu'elle occupait avec sa soeur pour le repas. L'odeur qui flottait lui donnait faim et son estomac criait famine comme s'il n'avait pas reçu sa dose de nourriture depuis dix jours. Elle s'installa à la table de la cuisine, face à sa soeur qui, aujourd'hui, semblait triste et en colère. Elle avait perdu son éternel sourire. Son chien était-il mort ? Impossible, elle l'entendait couiner dans son panier. Avait-elle reçu une mauvaise nouvelle ? Il fallait vraiment qu'elle soit mauvaise. Qu'est-ce qui se passe ? On croirait que t'as vu un monstre ! disait-elle alors qu'elle commençait à manger. Sans dire un mot, sa soeur lui tendit un morceau de papier griffonné d'une écriture fine et en biais. Elle la survola, cherchant le signe d'une quelconque nouvelle. Papa. Tout en bas de la feuille, le dernier mot. La première réaction qu'elle eut fut de déchirer le papier, puis dans un bon de colère, se lever en renversant la chaise avec force. Un cri surgit de sa bouche, réveillant presque les ours hibernants des forêts voisines. Et le dernier coup de colère fut l’atterrissage de sa main dans le mur en brique, le seul sur tous les autres qui n'était pas du plâtre. Crac. Aïe.

Les urgences les avaient accueillis. Elles avaient attendues plusieurs heures pour avoir un verdict assez peu étonnant. Sa main était littéralement brisée. Elle pouvait dire adieu au piano pour les semaines à venir, le médecin lui avait interdit. L'écouterait-elle ? Pas vraiment, elle n'avait plus envie d'écouter les ordres d'un homme, encore moins d'un médecin qui lui interdisait formellement de pratiquer sa passion. Elle avait ses limites, mais pas à ce niveau-là. « Eli, j'ai faim ! Je reviens... » Elle avait quitté sa soeur qui avait élu domicile sur les fauteuil de la salle d'attente. Ils avaient l'air aussi confortable que les lits qui se trouvait dans les chambres. Birdy l'entendait déjà de plaindre sur les services de cet hôpital. Elle en rirait en oubliant les raisons de leur venue et le pourquoi elle avait à présent la main immobilisée. Elle trouva un distributeur dans le couloir, un garçon légèrement plus âgé qu'elle à première vue s'acharner dessus en donnant des coups. Sans même prêter à son visage, elle sourit et s'approcha doucement. Elle allait remplir sa mission du jour : aider un pauvre affamé qui se sentait arnaqué par une boîte de métal. « Ca ne sert à rien de le secouer aussi fort, ça ne viendra pas plus. C'est comme avec un instrument, il faut être délicat. » Elle secoua délicatement l'appareil qui finit par donner ce qui lui avait été payé. Elle en profita pour glisser une pièce pour s'offrir un paquet de sucrerie, puis une autre pour un gâteau au chocolat qui lui faisait envie et une dernière pour une bouteille d'eau. Il y avait de quoi lui faire tenir toute la journée, il ne lui en fallait pas plus. Elle récupéra ce qu'elle venait d'acheter, récupérant aussi l'achat du jeune homme. Il la dépassait de deux bonnes têtes, il avait une carrure assez carré qui pouvait impressionner au premier regard. En lui tendant son bien, elle leva la tête et ... « Ruben ? Qu'est-ce ... non, rien. Pas de quoi au fait. » Et elle lui tourna le dos, morte de honte.

S'attendait-elle à le retrouver dans un hôpital ? Non, bien sûr que non. C'était d'ailleurs la dernière personne qu'elle pensait voir ici. Elle l'avait toujours vu si fort, si invincible. Elle n'aurait jamais pu l'imaginer ici. Si elle avait commencé à fuir, c'était pour l'éviter, encore une fois. Toujours l'éviter, rien de plus. Elle avait peur de devoir se confronter à lui. Elle aurait voulu qu'il la laisse partir, le destin en a voulu autrement lorsqu'il lui attrapa la main. Ce geste, elle n'y cru qu'en regardant si tout était bien réel. Gênée, confuse, surprise, elle ne savait pas trop pourquoi il l'avait empêché de partir. Après tout, elle l'avait abandonné. Elle libéra sa main, quelques secondes après. La peur de perdre ses moyens face à lui sans doute. « Problème familiaux, entraînant des conséquences terribles sur ma petite personne. Sur ma main en l’occurrence. » Elle montra sa main, entourée d'un plâtre, en la secouant presque fièrement, bien qu'elle ne soit pas fière de son geste. Ce pauvre mur ne lui avait rien fait. Son père était un idiot, il n'y pouvait rien. Depuis son arrivée à l'hôpital, elle cherchait tout de même des explications quant à cette lettre. Il l'avait très bien compris le jour du procès. Il avait très bien compris que ni elle, ni Elinor ne voulaient avoir de ses nouvelles. Il pouvait mourir en prison, rien n'y changerait. Elles en seraient même soulagées. Il avait suffisamment ruiné sa vie et même derrière les barreaux, il continuait. Plus de piano, plus de musique. Merci Papa. « T'as une sale mine. » Ses traits étaient tirés, donnant l'impression qu'il avait vieilli d'une dizaine d'années en quelques mois, son teint était blafard, effrayant et si blanc qu'il paraîtrait transparent sur la neige gisant sur les trottoirs en ce moment même. Il faisait peur. Jamais elle ne l'avait vu comme ça. Il semblait amaigri, faible. Fatigué. Des cernes violettes apparaissaient sous ses yeux à demi-clos. Ruben n'était plus celui qu'elle avait connu. Celui qu'elle avait aimé. Il n'était plus ce chanteur avec une énergie puissante et incroyable. Aujourd'hui, il était digne d'un zombie. La tournée l'avait-elle achevé à ce point. Cela faisait pourtant un mois qu'il était rentré, un peu plus peut-être. Un mois pour récupérer d'un an de voyages, de concerts, d'hystérie, ce n'est pas assez sans doute. « Ca faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu ... » Tu es ridicule Birdy, ridicule. Elle ne l'avait pas vu depuis qu'elle avait quitté la tournée il y a six mois. Elle était partie sur un coup de tête, laissant derrière elle un rêve, une nouvelle vie, une popularité qui lui plaisait. Ces gens la regardaient sans une once de pitié ou de compassion, il ne savait rien de son passé et elle s'était empressée de mentir sur son passé lorsqu'elle le pouvait. Son père avait abandonné sa mère lorsqu'elle est tombée enceinte de son deuxième enfant, sa mère voyage beaucoup et n'accorde plus de temps à ses filles, profitant de sa vie maintenant qu'elles ont grandi. Ruben qui connaissait son histoire pouvait comprendre ce besoin de ne pas dévoiler un passé qu'elle trouvait morbide, monstrueux. A oublier. Il se trouvait aujourd'hui devant elle et elle n'avait rien à lui dire. Elle l'avait quitté après avoir compris qu'il préférait ses fans -ses groupies- à elle. Jalouse et possessive, elle n'avait pas pu supporter que celui qu'elle avait considéré comme son meilleur ami, son premier amour aussi, se serve ouvertement d'elle. « Tu devrais peut-être t'asseoir, tu es à deux doigts de t'écrouler. » Elle désigna un banc de chaise, se trouvant pas si loin de là. Elle n'allait pas le forcer à s'asseoir, ou du moins si, mais s'il voulait partir, elle ne l'en empêcherait pas. Elle saisit son bras, délicatement, avec sa main encore valide et l'entraîna à travers le couloir jusqu'aux sièges vides qui n'attendaient qu'eux. Elle prit place à côté de lui, sans même le regarder, mettant ses jambes en tailleur comme elle le faisait si souvent. Elle fixait le mur en face d'elle. « Je suis désolée d'être partie Ruben, vraiment désolée. » Avait-elle été déjà plus sincère que maintenant ? Sans doute jamais.