~ how can I love when I'm afraid to fall.

Les préparatifs de Noël la mettait mal à l'aise. Elle ne savait pas comment s'en défaire. Aider était pire que tout vu à quel point elle haïssait cette fête qui pour elle ne représentait rien de plus qu'un moment désagréable à passer. L'aspect commercial l'horripilait tout au plus. Oui, Charlie n'était pas du genre à aimer les fêtes de fin d'années qui ne représentaient pas grand chose à ses yeux. A bien y réfléchir, peu de choses comptaient pour elle. Elle était du genre à faire croire au monde entier que elle savait se débrouiller sans l'aide de personne, mais c'était mal la connaître. Elle était quelqu'un d'assez fragile derrière ce caractère assez fort, rebelle et débrouillard, même si elle ne le montrait pas, détestant afficher ses faiblesses aux yeux du monde entier. La rousse réussit à s'extirper des griffes de sa tante, réussissant à créer une diversion tandis qu'elle laissa ses cousins seuls maîtres des décorations, sortant de la petite maison de ville avant de se diriger d'un pas rapide vers l'un des quartiers de Maple Bay. Il faisait assez froid, la neige brillait comme un diamant sur les petites maisons. Elle trouvait ça désolant. Londres commençait à lui manquer même si dans la capitale anglaise, le jour de Noël était également de mise, mais pas autant que dans la petite ville de sa naissance. Dans un soupir, la rousse se dirigea vers un petit café où l'odeur alléchante des pâtisseries l'attira comme un aimant. Elle pénétra dans le petit établissement et commanda un café ainsi qu'une part de gâteau au chocolat avant d'aller s’installer à une petite table du fond. Elle sourit à l'une des serveuses qui vint lui apporter sa commande. Charlie sortit un petit carnet de son sac, c'était un carnet de notes, elle aimait écrire quelques nouvelles, parfois elle regrettait de ne pas avoir fait des études de journalisme plutôt que de médecine. Elle soupira, laissant retomber son stylo avant de prendre sa fourchette et de l'enfoncer dans son moelleux au chocolat. La petite sonnerie de la porte retentit mais elle ne leva pas la tête, pourtant elle aurait du, car elle aurait très certainement vu la silhouette d'une ancienne connaissance à elle, le seul qui au fond avait toujours compté à ses yeux, son meilleur ami de l'époque, Ewylan.

Ewylan était attablé à son atelier, les lunettes sur le nez, et travaillait le bois de façon minutieuse. Il peignait les détails d'une petite poupée avec des cheveux en tissu, qui pouvait bouger la tête dans tous les sens. Une de ces choses que l'on peut offrir pour Noël et qui fait toujours sourire. L'homme n'avait jamais autant de clients qu'en période de fêtes. Quelques minutes auparavant, il avait aidé une dame âgée à trouver un jouet pour sa petite fille, et il l'avait fait avec autant d'engouement et d'excitation qu'à chaque fois qu'il parlait de son art. Il appliqua la dernière couche de peinture nécessaire pour finaliser son petit jouet et le posa sur une étagère pour que tout ceci puisse sécher. « Et voilà c'est fait ! » dit-il à voix haute. Les pensées n'étaient jamais assez pour lui : il fallait qu'il use de sa bouche pour exprimer ses avis. Un soupir s'échappa de sa bouche, avec un petit sourire rêveur collé sur son visage. Il se leva rapidement et fit quelques tours sur lui même en dansant avant d'enfiler son manteau et de prendre la porte qui menait vers le côté de sa maison. La neige avait recouvert d'un manteau blanc la ville, et son jardin également. Il s'amusa à faire des dessins avec son pied dans la neige et sortit pour faire un tour en ville. Il sifflota en s'approchant vers les différents commerces. Une odeur alléchante arriva jusqu'à son nez et il se précipita vers le petit café qui devait faire de bien bonnes pâtisseries. Il resta à baver devant la vitrine avant de pousser la porte. La cloche fit un petit son et c'est avec un sourire qu'il se dirigea vers la caisse. Tous les gâteaux étaient étalés là, et il hésita. « J'ai envie de prendre à emporter ! Mais aussi de rester, histoire de prendre un petit moment pour me poser .. » La caissière le regarda comme s'il était fou, puisqu'il ne lui adressait pas du tout la parole. « Allez, soyons fous ! Je veux cinq gâteaux différents, pronto pronto ! » La jeune femme prépara un petit plateau avec des gâteaux dans des petites assiettes de carton et il la remercia avec un sourire avant de se tourner pour trouver une table où s'asseoir. Et c'est là qu'il la vit. Il n'y avait pas tellement de rousses à Maple Bay, et en plus, il y avait rarement de rousses aussi jolies. Sans s'en rendre compte, ses pas le menèrent vers sa table, dans le fond. Il posa son plateau sur la table, devant elle, l'air abasourdi. « Charlie. » dit-il, pour qu'elle relève la tête. Quand elle le fit, un grand sourire sincère s'étala sur son visage. Il était tellement heureux de la voir. Tellement triste, aussi. « Tu veux du gâteau ? » dit-il en s'asseyant, comme si de rien n'était. Comme s'ils s'étaient vu le jour précédent. Il prit une cuillère et attaqua une grosse part de fondant au chocolat. « Gske..ejr.. Kak ? » lui demanda-t-il dans une langue qui n'existait absolument pas. Il avait la bouche pleine de gâteau, et rigola de manière enfantine lorsqu'il s'en rendit compte. « Zut, euh, qu'est-ce que tu fais là ? Enfin, je sais bien que tu reviens pour Noël mais là .. genre, dans la même pièce que moi. Remarque, c'est moi qui suis entré après toi, on pourrait me demander ce que JE fais ici mais ce n'est pas ce que je veux savoir. Peut-être que c'est le destin, oui, le destin qui nous réunit .. »

Charlie était toujours plongée dans ses pensées et elle n'avait nullement remarquée l'agitation du jeune homme qui était entré. Elle laissait glisser les piques de sa fourchette entre ses dents, rêveuse, faisant un point sur les dernières années écoulées. Soudainement, elle sursauta lorsqu'on l'interpella, sa fourchette tombant sur la table, faisant un léger cliquetis. Elle leva les yeux et le vit, lui. Ewylan. Devant elle. Il aborda un immense sourire mais elle restait stoïque, tellement surprise de le voir ici, enfin elle savait qu'il habitait dans le coin, mais le voir aussi soudainement...Elle ne pouvait nier qu'elle était heureuse de le revoir, en chair et en os, même si elle n'avait pas cherchée à reprendre le contact, c'est qu'ils s'étaient séparés assez bizarrement. Elle savait ses sentiments à son égard à l'époque et elle avait préféré nier que c'était réciproque, car c'était étrange, mais avec les années, elle s'était rendue compte qu'elle tenait bien plus à lui qu'un simple ami, mais évidemment il était dur de l'admettre, admettre qu'elle s'était trompée, qu'elle avait plongée la tête dans le sable comme une autruche. Elle afficha un léger sourire à son ancien ami. Elle espérait que tout allait bien dans sa vie et qu'il avait réussi à se stabiliser avec une jeune femme moins lunatique qu'elle. « Comme tu vois, je suis assez bien servie de mon côté. » dit-elle en tapotant du bout de sa fourchette sur son moelleux au chocolat déjà entamé. Elle avait l'impression d'être revenue des années en arrière, eux deux discutant, comme si de rien n'était. Il se mit alors à parler, la bouche pleine et elle ne put s'empêcher d'éclater de rire, amusée. Elle se rendit compte à quel point il lui avait manqué. Elle espérait qu'ils pourraient renouer le contact et essayer de reprendre leur ancienne amitié. Il parla alors, semblant ne pas reprendre son souffle, déblatérant un lot de paroles. « Respire. » dit Charlie en mettant sa main devant elle, en signe d'arrêt. « J'essayais d'échapper à la décoration de Noël, donc je me suis réfugiée dans ce café à l'odeur alléchante pour déguster tranquillement un moelleux au chocolat avec un bon café en attendant que la tempête passe. » Elle afficha un air légèrement contrarié. Il savait qu'elle n'aimait pas Noël, comme elle savait qu'il affectionnait cette fête. Lorsqu'il parla du destin qui les auraient réunis dans ce café, elle se sentit étrange, presque comme si cette idée de destin lui plaisait, mais elle préféra partir sur un autre sujet que lui répondre. « Alors comment-vas tu ? Ton commerce maison marche bien ? Tu t'es trouvé quelqu'un qui peut supporter tes sautes d'humeurs ? » murmura t'-elle d'un ton taquin, impatiente de savoir la réponse.

Elle ne souriait pas. Non, elle ne souriait pas, et ne semblait pas particulièrement heureuse de le voir. Mais Ewylan restait heureux et extatique : il ne pouvait pas être de mauvaise humeur en la compagnie de Charlie. Mais vous me direz, était-il jamais de mauvaise humeur. En tout cas, elle était encore plus jolie que dans ses souvenirs, si c'était possible. Son visage en forme de cœur encadré de ces mèches rousses .. Son petit nez, sa bouche pulpeuse .. Ces lèvres qu'il avait rêvé mille fois d'embrasser. Il savait bien qu'elle ne le voyait que comme un ami, mais ses sentiments ne s'étaient estompés avec le temps. C'était presque comme si leur distance n'avait fait que les intensifier. C'était une torture pour Ewylan et pourtant, il faisait avec, le sourire aux lèvres. Elle refusa son invitation à manger du gâteau et tant mieux car il avait très faim et pensait tout finir à lui tout seul sans avoir envie de vomir. Il finit très vite le gâteau au chocolat et partit sur une part de flan pâtissier très appétissante. Alors qu'il parlait en mangeant, il fut étonné de l'entendre rire, ce qui ne fit que faire grandir son sourire. Elle avait une voix tellement spéciale, et son rire, c'était encore plus agréable à écouter. Finalement, elle lui demanda de respirer et il avala sa bouchée de gâteau avant de prendre une grande inspiration, une grande expiration. Elle l'incita à arrêter de parler en mettant sa main devant elle, et lui expliqua la raison de sa venue ici. Le jeune homme savait très bien que Charlie n'appréciait pas les fêtes de fin d'année. Elle n'avait jamais partagé cette excitation et cet engouement à faire les vitrines, décorer le sapin ou faire des cookies en forme de petits bonshommes. C'était une chose qui l'intriguait, comme tant d'autres chez elle. Finalement, elle lui posa plusieurs questions et il perdit son sourire en mangeant un autre bout de gâteau, fronçant les sourcils et devenant incroyablement sérieux, tout d'un coup. « Allons y dans l'ordre, veux-tu ? Je vais .. relativement bien. Si l'on oublie le fait que ma meilleure amie habite très loin pour ses études et que cela fait plusieurs années que nous ne nous sommes pas parlé. » Il fit une pause. Il n'essayait pas de la blâmer ou quoi que ce soit de ce genre, il répondait simplement et honnêtement à sa question. « Mon commerce maison ne marche pas tellement, mais en ces périodes de fêtes ma clientèle aime bien m'acheter de nouveaux jouets .. Plusieurs gros revendeurs m'ont proposé de commercialiser mes jouets en grande surface mais je leur ai dit non ! Je préfère faire connaissance avec les acheteurs, trouver le jouet idéal pour eux. Tu sais ce que c'est .. » Enfin, pas vraiment, non. Elle n'était pas familière avec son commerce qu'il avait débuté presque en même temps que son départ pour Londres. Par contre, elle connaissait son obsession pour le travail du bois : il lui avait fait tellement de cadeaux de jouets durant leur adolescence. Il se demanda si elle avait tout jeté, ou .. Non, il ne fallait pas penser à l'alternative. « Et pour finir, je suis toujours aussi seul. Toujours, toujours aussi seul .. » Il baissa le regard, soudainement triste. Il repensa à sa dernière petite amie, qu'il avait quand même fréquenté durant quatre ans. Ce n'était pas rien. Et pourtant, l'amour qu'il avait ressenti à son égard, même si il était véritable, n'avait jamais égalé celui qu'il ressentait à l'égard de Charlie. « Je me suis fait jeter récemment par une fille. Il paraît que je ne suis pas présentable, que je ne sais pas me comporter en société et que je suis trop bizarre. Tu y crois toi ? » Il releva les yeux et plongea son regard dans le sien.

Une chose était certaine c'est qu'ils avaient tout deux évolués, de façon bien différente. Son air soudainement sérieux lui fit froncer les sourcils alors que quelques minutes auparavant, il était on ne peu plus enfantin. C'était une de ses qualités qu'elle appréciait, son innocence face au monde adulte même si il n'était pas un saint. Elle aimait le voir s'émerveiller sur les choses les plus futiles, celles que l'être humain avait l'habitude de voir sans plus y prêter grande attention. Souvent, elle regrettait de ne pas avoir fait comme lui, trouver un petit boulot dans la petite ville, rester une enfant...Mais comment le rester lorsqu'on ne l'avait jamais vraiment été ? Charlie écouta attentivement son ami. Sa remarque comme quoi comme quoi ils s'étaient éloignés lui alla droit au coeur. Elle n'avait pas fait le moindre effort pour lui parler, n'avait pas cherchée à le revoir...Tout ça à cause de son orgueil, de sa faculté à fuir face à la réalité. « Je suis désolée... » murmura t'-elle simplement, se sentant néanmoins coupable même si ce n'était pas voulu. Elle tenait sa tasse des deux mains, fixant le liquide sombre dans celle-ci. Elle l'écoutait parler de son commerce et trouvait admirable sa façon d'avoir refusé l'argent des plus riches pour continuer à vivre de sa passion, rester simple...C'était quelque chose qu'elle n'arrivait pas à faire. Elle se souvint quand ils étaient ados, de ses petites constructions en bois qu'il s'amusait à lui faire. Elle les avait presque toute gardée, les moins abîmées du moins. Chaque fois qu'elle les regardait, elle repensait à eux, à leur ancienne amitié, à ses nombreuses années passées ensembles. « Il faudra que tu me montres ce que tu as fais depuis tout ce temps. » dit-elle tout simplement, perdue dans ses rêveries. Soudainement, le ton de son ami changea et elle vit qu'il semblait triste, terriblement triste. La rousse se mordit légèrement la lèvre inférieure. Dieu, comme elle avait envie de le prendre dans ses bras pour lui dire qu'elle était là, elle, qu'il n'était pas seul. Mais c'était un mensonge n'est-ce pas ? Elle n'avait pas été présente pour lui comme elle le devait. Elle le regrettait, tellement. Lorsqu'il parla de sa dernière relation qui se termina sur une note malheureuse, elle ne peut s'empêcher de glisser sa main sur la sienne, la serrant légèrement. Et son regard croisa le sien et elle se sentit mal à l'aise. Il était vrai qu'il était un peu excentrique, mais elle aimait cette partie de sa personnalité. Elle aimait son côté fou, d'ailleurs folle elle l'était un peu aussi, c'était certainement pour ça qu'ils s'entendaient si bien à l'époque. « Bizarre ? On l'est tous un peu n'est-ce pas ? » dit-elle en affichant un léger sourire plein de compassion. « Justement, si tu étais normal, ce serait terriblement ennuyeux. » Il était différent des autres garçons et c'était cette différence qui faisait qu'elle se sentait si proche de lui, parce qu'il n'était pas comme les autres, il était unique.

Il n'avait pas voulu qu'elle s'excuse. Il disait ce qu'il ressentait, point, et n'attendait pas une quelconque réaction de la part de la femme en face de lui. Il était persuadé qu'elle avait eu une très bonne raison pour ne plus l'avoir contacté durant ces années, sûrement trop de devoirs ou quelque chose comme ça .. Et il sentait comme de la pitié dans sa voix, ce qu'il n'appréciait pas forcément. Il ne parlait pas de solitude pour qu'on ait de la pitié pour lui, c'était juste pour dire la vérité. Il n'avait pratiquement pas d'amis, et toutes ces relations étaient superficielles. Son amitié réelle avec Charlie lui manquait, et c'était pour ça qu'il aurait rêvé qu'elle reste à Maple Bay pour de bon. Il ne savait même pas ce qu'elle faisait à Londres exactement et allait sûrement lui demander. « Ne sois pas désolée, ce n'est pas vraiment de ta faute. » Et il le pensait exactement comme il le disait : il ne blâmait Charlie pour rien. Il l'aimait trop pour ça. La conversation dériva sur son petit business et il repensa avec un goût amer en bouche à tous les cadeaux qu'il avait confectionné, pendant ces Noël sans elle, et qu'il aurait voulu lui offrir. Peut-être qu'il prendrait son courage à deux mains à un moment et qu'il lui dirait qu'il avait une collection qui l'attendait chez lui. Il faudrait encore qu'elle accepte de venir dans sa maison. Il habitait exactement au même endroit avant qu'elle ne parte et elle connaissait par cœur son habitation, elle n'avait pas changé au fil des années .Toujours aussi mal rangée, toujours aussi colorée et remplie de bibelots. Et il y a sa chambre, où pendant de longues nuits ils avaient discuté et où tout avait été plus que chaste. Même s'il l'aimait, il n'avait jamais pensé une seule seconde prendre avantage d'elle à un quelconque moment. Il avait trop de respect pour elle. Quand elle lui dit qu'elle aurait bien aimé voir ce qu'il avait fait, ses yeux s'illuminèrent une nouvelle fois. « Tu n'as qu'à passer chez moi quand tu veux !! » dit-il à nouveau tout excité. Alors qu'ils parlaient de sa dernière relation, Charlie posa sa main sur celle d'Ewylan. Le jeune homme remonta le regard, un peu étonné et lui adressa un sourire. Il aimait ce contact, qui l'électrisait. Du coup, il prit sa cuillère de l'autre main et continua à manger. Oui, il était affamé. A propos de son côté fou, c'était vrai que Charlie l'était quand même un peu aussi. « C'est exactement ce que je pense. On a tous besoin de folie dans sa vie. » Il lui adressa un grand sourire enfantin dont il avait le secret et retourna sa main pour entrelacer ses doigts à ceux de Charlie. « Je suis tellement content de te voir. Si tu savais comme tu m'as manquée. »

Il était étrange qu'elle réagisse ainsi, aussi affectueusement, qu'elle soit aussi douce. Ils ne s'étaient pas revus depuis un long moment et voilà qu'elle agissait comme si ils s'étaient vu hier. Elle n'arrivait pas à déterminer ce changement de comportement aussi radical. Sa main était toujours posée sur la sienne, elle hésitait à l'enlever. Elle écoutait son ami parler, l'invitant à venir chez lui quand elle le souhaitait, ce qu'elle ne manquerait pas de faire, venir chez lui lui manquait, terriblement. La dernière fois qu'elle avait mis les pieds dans sa maison, c'était pour lui annoncer qu'elle partait vivre à Londres, un souvenir pas franchement des plus agréables surtout à sa réaction. Déçu, triste, mais il avait eu la bonté de lui souhaiter bonne chance, il n'avait pas cherché à la retenir malgré qu'elle savait ses sentiments à son égard à l'époque. Les sentiments de Charlie eux étaient apparus depuis ces dernière sannées. L'absence de Ewylan était dure à digérer, surtout les premiers temps, eux qui étaient si proche à l'adolescence. Et puis il lui dit qu'il était heureux de la voir, qu'elle ignorait combien elle lui avait manquée. Elle observa leurs doigts qui étaient entrelacés, un peu comme si ils formaient un couple. Elle était gênée soudainement et à sa grande surprise, sa main lâcha celle de son ancien ami pour aller se poser près de son assiette. Ce simple contact avait réussi à la perturber, elle, l'imperturbable. « Tu m'as manquée aussi Ewy' ... » souffla t'-elle, n'osant pas croiser son regard, comme si elle fuyait. Elle laissa tomber sa fourchette sur son assiette, glissant ses doigts dans ses longs cheveux roux, jetant un coup d'oeil dehors pour observer les passants qui faisaient leurs achats pour Noël. « Rien n'a vraiment changé pas vrai ? Cette ville, l'ambiance...Nous deux... ». Un soupir s'échappa de ses lèvres. Elle n'était pas sûre, elle doutait, elle ne savait plus vraiment sur quel pied danser. « Est-ce que... » Ce n'était pas facile à demander, surtout à lui, elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise, mais elle fallait qu'elle sache à quoi s'en tenir et elle était assez directe de nature. « Tes sentiments ont-ils changé au cours des dernières années ? » demanda t'-elle d'une voix assez lointaine, se replongeant dans les souvenirs de cette séparation. Non mais quel culot elle avait, pourquoi demandait-elle ça ? « Oublie, tu n'es pas obligé de me répondre, je pensais à voix haute. » dit-elle en reprenant la dégustation de son moelleux au chocolat, les joues légèrement colorés.

Tout semblait aller pour le mieux. Et pourtant, lorsqu'il entrelaça ses doigts aux siens, un geste tout à fait affectueux et dénué de sous entendu, elle dénoua rapidement sa main et la posa à côté de son assiette. Ewylan en fut blessé mais il ne fit rien apparaître. Apparemment, elle était gênée d'un geste aussi simple, qu'il avait fait sans y penser. Ce n'était pas dans ses intentions de la rendre mal à l'aise et il accepta le fait que peut-être, tout avait bien changé avec ces années passées loin l'un de l'autre. Peut-être devrait-il oublier ses propres sentiments et passer à autre chose. Elle lui apprit que lui aussi, lui avait manqué, mais elle ne pouvait croiser son regard. Comme s'il y avait quelque chose qui l'en empêchait, comme si elle n'était pas aussi bien en sa présence qu'elle semblait le faire croire. Il continua à manger ses gâteaux qui commençaient à ne plus être vraiment nombreux sur son plateau. Elle dit que rien n'avait changé, et pourtant, Ewylan avait l'impression qu'au contraire, tout avait changé. Qu'ils ne pourraient plus vraiment être eux même l'un envers l'autre. Honnêtes. Francs. Comme si quelque chose s'était cassé en eux avec ce départ, qui ne pouvait être recollé. Et puis, elle aborda le sujet qu'il ne fallait absolument pas aborder. Ewylan serra les dents. Elle savait très bien ce qu'il avait ressenti pour elle avant qu'elle ne parte, et avait toujours fait comprendre qu'elle ne ressentait pas la même chose. Et maintenant, elle remettait ça sur le tapis ? Et aussitôt elle se reprit, ce qui valut un regard surpris de la part du jeune homme. Il resta silencieux un moment, arrêtant la dégustation de son gâteau. « Rien n'est immuable, Charlie. Tout change. » dit-il d'une voix aussi lointaine que celle qu'elle avait pu prendre auparavant. Il ne savait pas comment elle allait prendre cette phrase et n'avait pas spécialement envie de l'expliciter. Après tout, elle lui avait demandé d'oublier, non ? « Tu n'es pas obligée de faire semblant de tenir encore à moi. Si tu m'as oublié, je le comprendrai. » Sa gorge se serre. Il ne peut pas pleurer, ce n'est plus de son âge, et pourtant, il en a envie. A la place il reprend du gâteau et s'étouffe pratiquement en essayant d'avaler une bouchée. Il leva le bras pour demander de l'eau et s'avala un verre entier, face au silence de la jeune rousse. « Qu'est-ce que tu attends de moi ? »

A trop parler ou demander, on finissait par en subir les conséquences. Elle aurait mieux fait de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de lui poser ces questions. Son air avait changé et elle avait bien vu à son regard que ça ne lui plaisait pas d'aborder à nouveau ce sujet qui avait été délicat entre eux. Elle se sentait blessée, il pensait qu'elle faisait semblant avec lui alors que ce n'était pas le cas. Elle regrettait d'avoir été si distante, de l'avoir envoyer sur les roses. Elle serra fortement sa tasse dans ses mains, délaissant son moelleux car elle n'avait plus très faim maintenant. Elle se mordit légèrement la lèvre inférieure, se sentant stupide de lui avoir demandé ça. Puis, l'autre question. Qu'attendait-elle de lui ? Elle n'en savait rien, tout ce qu'elle savait c'est qu'elle avait changée, trop changée et qu'elle commençait à regretter certains éléments de son passé, comme celui de l'avoir laissé tomber, lui qui la connaissait presque sur les bouts des doigts. « Je ne fais pas semblant. » répliqua t'-elle alors sur un ton involontairement blessé. « J'ai toujours tenu à toi et c'est encore le cas aujourd'hui, je suis désolée de t'avoir laissé tombé durant toutes ces années, si je pouvais revenir en arrière et changer le cours des choses, je le ferais ». Il fallait qu'il comprenne qu'elle était sincère, extrêmement sincère, que tout ce qui sortait de sa bouche à cet instant n'était que la pure vérité. Après tout, il fallait régler tout ça une bonne fois pour toute, qu'ils essayent de recoller les morceaux avant qu'elle ne reparte à Londres où elle n'avait plus d'avenir...Rien ne la retenait à cette ville au final, mais elle ne se sentait pas la force de revenir ici et de faire comme si rien n'avait changé. « Je...Je...Je n'attends rien de toi...Enfin je ne sais pas... » Elle semblait confuse. Elle commanda un nouveau café à une serveuse qui passait par là et but une longue gorgée brûlante qui la fit légèrement tousser. « Je sais juste que...Que j'ai fais une erreur...En te rejetant la première fois » annonça t'-elle dans un murmure. Elle l'avait dit. Mais elle redoutait sa réaction face à cette confidence.

Il s'en voulait de lui faire des reproches. Mais lui en faisait-il vraiment ? Non. Il n'avait juste pas assez confiance en lui pour croire que quelqu'un, après des années séparé de lui, puisse encore lui porter un quelconque intérêt. Mais apparemment, il se trompait. Elle lui dit qu'elle tenait toujours à lui, qu'elle aurait voulu refaire certains passages de sa vie pour tout changer. De quoi parlait-elle ? De son départ ? Du fait qu'elle l'ait rejeté lorsqu'il lui avait avoué ses sentiments ? Il n'en savait rien. Mais il y avait une lueur d'espoir en lui. Finalement, la question d'Ewylan sembla la gêner. Elle hésitait. Entre deux de ses phrases, elle commanda un nouveau café et en but une gorgée. Elle toussota comme lui avec sa part de gâteau. Oui, ils étaient tous les deux dans une position délicate. Charlie reprit la parole, et dit quelque chose qui fit relever le regard d'Ewylan. Ses yeux brillaient. Etait-elle en train de lui dire que .. Qu'elle ressentait quelque chose pour lui, après tout ? Qu'elle n'avait pas dit la vérité, en lui disant qu'il ne la considérait comme un ami ? Il se sentait mal. Si elle pensait vraiment cela, toutes ces années avaient été gâchées. Au lieu d'être fou de joie, il retomba dans la tristesse et cela se voyait dans son visage. Il avait l'air d'un chiot abandonné. « Je n'arrive pas à croire que tu puisses dire ça. » Il s'arrêta. Ses assiettes étaient vides à présent, et il appela la serveuse pour qu'elle emmène le tableau. Il avait trop mangé, et son ventre lui faisait mal. Il avait encore plus mal au cœur, à cause de sa peine. « Qu'est-ce que tu veux dire ? Que, que .. Tu t'es découvert des sentiments pour moi, au cours de ces années ? » Son ton n'était pas agressif, au contraire. Il voulait juste comprendre. « Alors pourquoi me fuir du regard, pourquoi enlever ta main, Charlie, tu te contredis .. » Il poussa un soupir et baissa le regard, posant ses mains sur ses propres cuisses. « Est-ce que tu m'aimes ? »

« Est-ce que tu m'aimes ? » . 'Si tu savais'  pensait l'intéressée, prise au piège. Elle avait eu toujours eu mal à exprimer ses émotions, un « Je t'adore » était déjà difficile, alors un « Je t'aime... ». Mais elle ne voulait pas le décevoir, elle ne voulait pas qu'il continue à afficher cet air blessé. Jamais elle n'aurait du revenir ou même lui parler, c'était une erreur, une grave erreur. Charlie afficha un air triste, c'était assez rare chez elle quand on la connaissait bien, elle était du genre à être délurée, folle, optimiste, mais jamais triste. Ses mains tremblaient légèrement et elle avait du mal à tenir sa tasse qu'elle posa avant de recroqueviller ses mains sur la table. « Je ne voulais pas te blesser en voulant parler de ça... » C'était un peu tard. Il était blessé et le voir ainsi la rendait malheureusement. Elle se retint de se lever et de le prendre dans ses bras pour le réconforter, dans l'état actuel des choses, c'était la dernière chose à faire. Elle appela une serveuse pour qu'elle débarrasse son gâteau avant de commencer à croiser et décroiser ses doigts, un geste qu'elle faisait quand elle était nerveuse. Un long silence s'était installé, pesant, morose. Elle leva son regard triste vers le jeune homme, détestant voir cette douleur dans son regard. « On sait tout les deux que je ne suis pas stable, que je ne suis pas des plus fidèles niveau couple...Peut-être que j'ai voulu te protéger dans un sens ». C'était une fausse excuse, car à une époque il était comme elle. Avait-elle peur ? Elle n'en savait rien, tout ça était tellement confus... « Je tiens à toi tu le sais. » Ce n'était pas répondre à sa question qu'elle évitait soigneusement. Elle fixa ses ongles qui étaient d'un bleu pétant. « Je repars à Londres après les fêtes...Je ne suis pas sûre de revenir l'année prochaine... » dit-elle sur un ton pas très convaincu. 'Je ne veux plus te faire de mal' pensa t'-elle, mais peut-être était-il déjà trop tard pour ça.

La question était simple, et n'avait que deux réponses possibles : oui, ou non. Seulement, Charlie ne semblait pas bien savoir où elle en était puisqu'elle ne choisit aucunes des deux possibilités. Au contraire, elle se lança dans des grandes phrases qui ne menaient à rien, pour Ewylan. Il était triste. Il avait l'impression que tout était gâché. Qu'il n'aurait jamais dû rentrer dans ce café. Jamais dû lui adresser la parole, et surtout pas lui poser cette question fatidique. Il la connaissait, assez pour savoir qu'elle n'était pas la reine du sérieux. Seulement, il lui demandait de l'être, une fois, juste cette fois. Son regard était presque suppliant. Et elle semblait perdre ses moyens, il avait vu ses mains trembler. Elle ne voulait pas le blesser ? Pourtant, il aurait été facile de ne pas le faire. Être honnête, dès le début. Mais il ne lui dit pas. Il n'était pas en colère, il n'était jamais en colère. Il fut surpris de voir de la tristesse dans son regard, ce qui lui fit mal. Il haïssait les sentiments négatifs chez Charlie, puisqu'ils se démultipliaient chez lui. C'était un phénomène assez effrayant. Et ses yeux s'humidifiaient peu à peu, étaient brillants. Elle lui expliqua les raisons du « non », en tout cas, c'était ce qu'il pensait qu'elle faisait. Oui, il savait qu'elle tenait à lui, mais ce n'était pas ça qu'il avait demandé. Elle évitait à tout prix de répondre à la question. Et en dernier, elle posa une bombe. Ne plus revenir à Maple Bay. Ewylan écarquilla les yeux quelques secondes. « Bien. Ça aurait été plus vite de me dire ça dès le début. » Sans un mot de plus, il se leva de sa chaise. Il avait déjà payé d'avance les gâteaux, mais laissa un pourboire sur le table. Il se dirigea vers la porte de l'établissement et se retrouva dehors, dans le froid. Il restait là, devant l'échoppe. Attendant peut-être qu'elle sorte pour venir le chercher. Il ne pouvait plus rien faire. Les larmes menaçaient de couler sur ses joues, mais il s'en empêchait. « Je ne comprends pas, je ne comprends pas .. » dit-il en se passant frénétiquement la main dans les cheveux. Il commença à sauter sur place pour se détendre mais cela ne marchait pas. « Pourquoi .. »